C’est une première en France : l’expérimentation du cannabis médical a débuté en mars dernier, une date attendue tant par le corps médical que les associations de patients. D’une durée de 2 ans, ce dispositif inédit devrait suivre près de 3000 patients volontaires.
Un cadre scientifique strict et sur la base du volontariat
En octobre 2019, l’Assemblée nationale votait en faveur d’essais cliniques portant sur le cannabis médical. Après plusieurs mois de préparation, l’expérimentation se concrétise enfin, avec un déploiement progressif depuis le mois de mars dans toute la France.
Le dispositif est encadré par l’Agence nationale du médicament (ANSM), il est limité à un certain nombre de patients, volontaires et répondant à des critères précis. Le comité scientifique encadrant l’essai a retenu 5 situations cliniques (scléroses en plaques, effets secondaires de chimiothérapie, épilepsies sévères, soins palliatifs…), jugées pertinentes pour expérimenter le cannabis à usage médical.
Pour être éligible, le patient doit aussi se trouver dans une « impasse thérapeutique », c’est-à-dire dans une situation de « soulagement insuffisant ou d’une mauvaise tolérance à un traitement », souligne l’ANSM.
La première consultation se fait obligatoirement dans un des 215 centres de référence sélectionnés par l’ANSM. Les médecins spécialistes (neurologues, cancérologues…) volontaires pour suivre les patients ont reçu une formation spéciale dans le cadre du dispositif. Ils seront chargés de rédiger des conclusions une fois le traitement achevé.
Des médicaments sous forme d’huile ou de fleurs séchées
Au total, l’essai clinique devrait porter sur 3000 patients. Chaque traitement dure 2 ans, à condition que le patient ne rencontre pas d’effets secondaires néfastes. Pour des raisons de santé évidentes, le protocole exclut formellement le cannabis à fumer. Le produit se présente sous la forme de sommités fleuries pour inhalation après vaporisation, ou d’huile administrée par voie orale.
Chaque patient se verra administrer un ratio CBD / THC spécifique, en fonction de sa propre tolérance au médicament.
La première prescription est délivrée dans un centre hospitalier. Ensuite, un médecin généraliste formé peut prendre le relai. Les médicaments sont gratuits et prescrits sur des ordonnances sécurisées, comme tout produit entrant dans la catégorie des stupéfiants.
Légalisation du cannabis médical : des enjeux sanitaires et économiques
L’objectif principal de cette expérimentation est d’évaluer le dispositif d’accès au cannabis médical dans toute la France. Au-delà de mesurer l’efficacité du traitement, il est nécessaire de mettre au banc d’essai le circuit de distribution du laboratoire à la pharmacie et d’en sécuriser les étapes.
Aujourd’hui, 5% des Français souffrent de douleurs chroniques, qui pourraient être soulagées grâce à ces traitements combinant THC et CBD. Ces essais cliniques pourraient ouvrir la voie du cannabis médical et permettre à la France de rattraper son retard. Cette pratique est autorisée dans une trentaine de pays, dont 22 États membres (sur 27) de l’Union européenne. Les pionniers sont les Pays-Bas, qui ont légalisé le cannabis médical en 2000.
Derrière cette expérimentation se trouve aussi un enjeu économique. Elle pourrait être le prélude d’un cadre légal pour la production du cannabis médical en France. Le développement d’une filière française est attendu, car pour le moment, les médicaments sont fabriqués à l’étranger, le principal fournisseur étant le Canada. Pourtant, l’Hexagone est le premier producteur de chanvre industriel (du cannabis avec moins de 0,2% de THC) à l’échelle européenne : la France possède déjà la matière première, les agriculteurs comme les laboratoires espèrent obtenir le feu vert du gouvernement pour se lancer dans cette nouvelle culture réglementée.
Sources
